« Ils jetaient les médicaments des gens à la poubelle devant eux et leur riaient au nez », raconte Kieran Andrieu.
Source : Truthout, Amy Goodman, Nermeen Shaikh, DemocracyNow!
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
La condamnation internationale s'intensifie alors que des centaines de militants internationaux restent emprisonnés en Israël plusieurs jours après que l'armée israélienne a pris d'assaut et capturé des dizaines de bateaux de la flottille Global Sumud. Reuters rapporte qu'au moins 170 militants de la flottille, sur les plus de 400 arrêtés, ont été expulsés d'Israël. Beaucoup ont décrit les tortures et les mauvais traitements subis pendant leur détention en Israël. La militante suédoise Greta Thunberg a déclaré aux autorités suédoises qu'elle avait été détenue dans une cellule infestée de punaises de lit et privée de nourriture et d'eau. Le militant turc Ersin Çelik a déclaré à l'agence de presse Anadolu que les gardes avaient « traîné la petite Greta par les cheveux sous nos yeux, l'avaient battue et l'avaient forcée à embrasser le drapeau israélien. »
Kieran Andrieu est un journaliste britannique d'origine palestinienne qui a récemment été expulsé vers la Grande-Bretagne après avoir été détenu à bord de la flottille Global Sumud. Andrieu affirme que les militants ont été soumis à des conditions de torture dans les prisons israéliennes. « Ils jetaient les médicaments des gens à la poubelle devant eux et leur riaient au nez », raconte-t-il. « Ils étaient totalement insensibles à la possibilité que l'un d'entre nous puisse mourir. »
Amy Goodman : La condamnation internationale s'intensifie alors que des centaines de militants internationaux restent emprisonnés en Israël plusieurs jours après que l'armée israélienne a pris d'assaut et capturé des dizaines de bateaux de la flottille Global Sumud. La flottille avait pris la mer fin août dans le but de briser le siège et la campagne de famine menés par Israël à Gaza. Reuters rapporte qu'au moins 170 militants de la flottille, sur les plus de 450 arrêtés, ont été expulsés d'Israël.
Beaucoup ont décrit les tortures et les mauvais traitements subis pendant leur détention en Israël. La militante suédoise Greta Thunberg, qui serait aujourd'hui expulsée d'Israël vers la Grèce, a déclaré aux autorités suédoises qu'elle avait été détenue dans une cellule infestée de punaises de lit et privée de nourriture et d'eau. Le militant turc Ersin Çelik a déclaré à l'agence de presse Anadolu Agency que Greta avait été, je cite, « traînée par les cheveux sous nos yeux, battue et forcée à embrasser le drapeau israélien. Ils lui ont fait tout ce qu'on peut imaginer pour servir d'avertissement aux autres », a-t-il déclaré.
Voici l'activiste espagnol Nestor Prieto à son retour à Madrid dimanche avec un groupe d'activistes expulsés d'Israël.
Nestor Prieto : [traduit] Un collègue de 75 ans a demandé de l'insuline pendant trois jours, et les agents ont répondu qu'ils n'avaient pas de médicaments pour les animaux en prison. Une autre collègue mexicaine demandait des médicaments pour une maladie cardiaque, disant que c'était urgent, et ils ont répondu que ce ne serait urgent que lorsque son cœur s'arrêterait.
Amy Goodman : Les membres de la flottille ont été accueillis par des acclamations à l'aéroport de Madrid. Voici l'activiste palestinien néerlandais Marco Tesh, qui a également été expulsé vers l'Espagne ce week-end.
Marco Tesh : Ils ne fournissent aucune assistance médicale aux prisonniers. Ces personnes ont été kidnappées dans les eaux internationales, et Israël maltraite tout le monde, mais en particulier les personnes d'origine arabe ou musulmane. Moi-même, je suis d'origine palestinienne. J'ai été maltraité dès le premier jour. J'avais l'impression de ne plus pouvoir respirer, car ils m'avaient mis quelque chose sur le visage et m'avaient attaché les mains dans le dos.
Nerme Shaikh : Cela intervient alors que CBS News rapporte que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a directement approuvé les frappes militaires israéliennes sur au moins deux navires de la flottille le mois dernier, lorsque, selon deux responsables des services de renseignement américains s'exprimant sous couvert d'anonymat, les forces israéliennes ont lancé des drones depuis un sous-marin et largué des engins incendiaires sur les bateaux, qui étaient ancrés au large du port tunisien de Sidi Bou Said, provoquant un incendie. Des experts internationaux ont dénoncé les attaques israéliennes contre la flottille et ses passagers civils comme étant un crime de guerre.
Pour en savoir plus, nous nous rendons à Londres, où nous rejoignons Kieran Andrieu, un journaliste palestinien britannique de Novara Media qui se trouvait à bord de la flottille Global Sumud à destination de Gaza. Il diffusait en direct depuis le voilier Adara lorsque l'armée israélienne l'a intercepté. Il vient d'être libéré d'une prison israélienne et expulsé ce week-end.
Kieran, bienvenue à Democracy Now ! Racontez-nous ce qui s'est passé, votre expérience au sein de la flottille, puis les événements par la suite.
Kieran Andrieu : Merci de m'accueillir.
L'expérience au sein de la flottille a été longue et difficile. Elle a duré plus de deux fois plus longtemps que prévu initialement. Mais une chose nous a vraiment soudés et nous a poussés à continuer, malgré les nombreux contretemps logistiques, les défis logistiques et les attaques de drones. Au fait, il est intéressant d'apprendre que Netanyahou a désormais admis les attaques de drones en Tunisie. C'est la première fois que j'en entends parler. Mais à travers toutes ces épreuves et ces tribulations, ce qui nous a vraiment, vraiment maintenus unis, c'est notre amour pour la Palestine, pour le peuple de Gaza, et les liens de loyauté et de solidarité que nous avons développés entre nous sur les bateaux. Ainsi, même si le périple de la flottille à travers la Méditerranée, de Barcelone à Gaza, a été long et mouvementé, ces éléments nous ont poussés à aller de l'avant.
Une fois arrivés là-bas, tout a changé. Je peux maintenant vous raconter mon expérience. Au départ, l'interception des bateaux par les Forces de défense israéliennes était ce que l'on pourrait appeler une interception douce, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas utilisé la violence dont ils auraient pu faire usage s'ils l'avaient voulu. Ils étaient tous armés de mitraillettes, etc. Mais personne n'a été blessé physiquement. À ma connaissance, l'intégrité physique de personne n'a été compromise sur les bateaux, du moins lors de l'interception. Néanmoins, il est important de souligner que même s'il s'agit d'une interception douce ou légère, elle reste illégale. Il est toujours illégal de nous kidnapper dans les eaux internationales et de nous emmener au port d'Ashdod en Israël, car nous étions à 70 milles nautiques, dans mon cas, dans les eaux internationales. Néanmoins, lorsque nous sommes arrivés en Israël, lorsque nous sommes arrivés à Ashdod, c'est là que la violence a vraiment commencé.
J'ai donc été traîné hors du bateau par le col et jeté par terre, ce qui m'a ouvert le genou. Et la première chose que j'ai vue lorsque nous avons été traînés dehors, ou plutôt lorsque j'ai été traîné dehors, c'était 300 personnes à genoux, les mains derrière le dos, le regard fixé vers le sol en béton, à l'extérieur du port d'Ashdod. Elles ont été contraintes de rester là, dans certains cas pendant six heures. J'ai été contraint de rester là pendant environ deux heures et demie, à genoux, les mains derrière le dos, avant d'être enregistré au centre d'Ashdod et envoyé à la prison du désert du Néguev, dont nous parlerons dans un instant.
À ce moment-là, Ben-Gvir, Itamar Ben-Gvir [ministre israélien d'extrême droite, NdT], a été amené afin qu'il puisse parader devant nous. Et je pense que l'hypothèse - et je tiens à le souligner - était que nous serions intimidés, que nous aurions peur, que nous resterions silencieux. En réalité, ce n'est pas ce qui s'est passé. Et ce qui s'est passé a donné le ton pour la suite des événements dans la prison, à savoir que dès que nous avons vu Ben-Gvir, 300 personnes à genoux - sans doute par peur - ont commencé à crier « Libérez la Palestine ! Libérez la Palestine ! », le traitant de génocidaire, de tueur d'enfants, etc. Et il était vraiment choqué. On pouvait voir que Ben-Gvir était stupéfait. Ses partisans, la police, tous étaient stupéfaits. Ils s'attendaient à ce que nous soyons intimidés, mais ce n'était pas le cas.
J'ai ensuite été pris en charge par le centre. Cela a pris environ trois ou quatre heures. Ils m'ont dit : « Pas d'expulsion immédiate. Même si vous voulez être expulsé immédiatement, vous irez en prison. » Ils nous ont donc attaché les mains très serré avec des attaches en plastique. Dans mon cas, tout le monde n'était pas aussi serré que moi. Dans mon cas, j'avais vraiment peur que mes doigts tombent après plusieurs heures avec les mains attachées aussi serré. Et je devais les bouger et les manipuler aussi prudemment que possible pour essayer de faire circuler le sang dans mes doigts pendant les trois ou quatre heures où j'ai eu ces attaches en plastique aux poignets.
Nous avons été transportés dans une prison située dans le désert du Néguev. Je ne l'ai découvert que lorsque j'ai demandé à un consul général britannique, venu nous rendre visite, « Où sommes-nous ? » Il m'a répondu : « Nous sommes dans le désert du Néguev. » Je n'en avais aucune idée jusqu'à ce moment-là. Nous avons été transférés dans un bus de police. Ils ont fait entrer de l'air glacial dans le bus alors que nous avions les mains liées, et il nous a fallu deux heures pour arriver dans le désert du Néguev. Ensuite, ils nous ont transférés à la prison. Et c'est là que, je pense, les conditions vraiment dignes de la torture ont commencé.
Nous étions dix par cellule. Nous étions dans des cellules sans eau potable. Pendant tout le temps que j'ai passé là-bas, soit deux jours, on ne nous a donné aucune eau potable. Nous devions boire l'eau d'un robinet qui produisait une eau brunâtre. Il y avait une seule toilette pour dix personnes, en mauvais état, comme vous pouvez l'imaginer, et au début, il n'y avait pas de papier toilette. Au bout de 24 heures, j'ai dû supplier un gardien, qui nous a donné du papier toilette après mes interventions et mes tentatives répétées.
Mais le plus scandaleux dans tout ça, Amy, c'est qu'ils jetaient les médicaments des gens à la poubelle devant eux et leur riaient au nez. Et je ne parle pas seulement des personnes qui, comme moi, ont besoin d'un médicament appelé propranolol, qui est simplement un bêtabloquant servant à réguler le rythme cardiaque. Je peux m'en passer pendant quelques jours, et j'ai d'ailleurs été contraint de le faire. Nous parlons ici de personnes séropositives qui ont besoin de leurs médicaments pour cela. Nous parlons d'hommes et de femmes de 75 ans qui ont besoin de médicaments pour leurs problèmes cardiaques et qui peuvent mourir à tout moment s'ils ne les prennent pas. Nous parlons d'un de mes bons amis, qui est toujours là-bas, je crois, Tommy Marcus, qui est toujours incarcéré et qui a besoin de ses médicaments pour réguler ses crises potentielles. Et s'il ne reçoit pas ses médicaments, il pourrait s'effondrer et mourir à tout moment. Nous leur avons répété cela encore et encore. Nous les avons suppliés depuis nos cellules, car nous n'avions pas droit à la cour, soit dit en passant. Nous avons été maintenus dans nos cellules pendant tout notre séjour, sauf pour être transférés afin de voir les Britanniques - dans mon cas, le consul britannique. Nous leur avons dit : « Des gens vont mourir. » Certains les ont suppliés : « J'ai besoin de mes médicaments pour ça. C'est mon droit fondamental. Où sont nos avocats ? », etc. Ils nous ont ri au nez. Ils ont craché par terre. Ils s'en moquaient.
Voici quelques autres précisions horribles. La nourriture qu'on nous donnait était infestée d'insectes. Elle était déjà presque immangeable, mais en plus, elle était infestée d'insectes.
Plusieurs personnes ont vu des femmes se faire arracher violemment leur hijab par des policiers israéliens, puis être forcées de ramper sans leur hijab devant d'autres hommes, des policiers israéliens. Une des femmes avec qui j'ai été expulsée m'a raconté ce qui se passait - car les hommes et les femmes étaient séparés, en fait - dans les quartiers des femmes.
Une jeune femme souffrait d'un problème de coagulation sanguine. Elle avait ses règles. On lui a refusé des serviettes hygiéniques et tout médicament pour traiter son état. Elle est anémique, elle a donc failli mourir, se vidant de son sang dans sa cellule, ses camarades autour d'elle incapables de faire quoi que ce soit pour l'aider, car peu importe ce qu'elles disaient aux gardiennes de prison israéliennes, peu importe comment elles les suppliaient, celles-ci étaient totalement insensibles à la possibilité que l'une d'entre nous meure.
Amy Goodman : Kieran, je tiens à vous remercier pour ce reportage très descriptif. Kieran Andrieu est un journaliste palestinien britannique travaillant pour Novara Media. Il s'est entretenu avec nous depuis Londres, où il vient d'être expulsé.
Et cette dernière nouvelle : Reuters rapporte que l'activiste suédoise Greta Thunberg a été libérée de prison en Israël et sera expulsée vers la Grèce, selon le ministre israélien des Affaires étrangères. Un tweet vient d'être publié par la flottille Sumud, indiquant que plus d'une centaine d'activistes sont expulsés vers la Grèce et la Slovaquie.
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Amy Goodman est l'animatrice et la productrice exécutive de Democracy Now!, une émission d'information nationale, quotidienne, indépendante et primée, diffusée sur plus de 1 100 chaînes de télévision et stations de radio publiques dans le monde entier. Le magazine Time a désigné Democracy Now! comme son « choix de podcasts », aux côtés de « Meet the Press » de NBC.
Nermeen Shaikh est productrice d'émissions d'information et coanimatrice hebdomadaire de Democracy Now! à New York. Elle a travaillé dans la recherche et dans des organisations non gouvernementales avant de rejoindre Democracy Now! Elle est titulaire d'une maîtrise en philosophie de l'université de Cambridge et est l'auteure de The Present as History: Critical Perspectives on Global Power (Columbia University Press).
Source : Truthout, Amy Goodman, Nermeen Shaikh, DemocracyNow!, 06-10-2025
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
